Institution International Prix, bourses et distinctions Recherche

Climat : l’UMONS et ses partenaires explorent l’adaptation des microbes du pergélisol au réchauffement arctique

Publié le 10 novembre 2025
Rédigé par Damiano Di Stazio
Alors que le réchauffement climatique transforme les paysages de l’Arctique, une équipe de l’UMONS s’attaque à une question clé : comment les communautés microbiennes du pergélisol s’adaptent-elles à ce bouleversement ? Le projet, dirigé par le Prof. Ruddy Wattiez, chef du service de Protéomie et Microbiologie de l’UMONS, et mené avec des partenaires québécois, a été sélectionné dans le cadre du programme de recherche FNRS–FRQ Québec/Fédération Wallonie-Bruxelles. Il cherche à comprendre comment ces micro-organismes s’adaptent aux changements rapides du pergélisol, en étudiant leurs gènes et leur rôle dans l’écosystème à l’échelle du paysage.

Sous l’effet du réchauffement climatique, l’Arctique se transforme rapidement. Le dégel du pergélisol, qui libère la glace piégée dans le sol depuis des millénaires, entraîne la formation de mares dites thermokarstiques. Ces milieux en mutation abritent des communautés microbiennes dont l’activité influence directement les cycles du carbone et du méthane.

Pour mieux comprendre ces phénomènes et les mécanismes d’adaptation de ces micro-organismes, le projet « Déchiffrer la trajectoire éco-évolutive des communautés microbiennes du pergélisol en transition » a été lancé. Coordonné par le professeur Ruddy Wattiez, chef du Service de Protéomie et Microbiologie et Vice-Recteur à la Recherche, à l’Innovation et à l’Entrepreneuriat à l’UMONS, il vise à élucider les processus qui gouvernent la survie, la transmission génétique et l’évolution de ces microbes dans des écosystèmes arctiques en mutation rapide, en lien avec la connectivité hydrologique du paysage.

Les plasmides, ces messagers du vivant

« Nous cherchons à comprendre comment les éléments génétiques mobiles, comme les plasmides, participent à l’adaptation des bactéries dans un environnement soumis à des pressions extrêmes », explique Ruddy Wattiez.

Ces séquences d’ADN mobiles permettent aux bactéries d’échanger entre elles des gènes dits « cargo », qui peuvent favoriser la survie, mais aussi véhiculer des gènes de résistance aux antibiotiques ou de virulence. Le projet analysera la manière dont ces gènes se propagent à travers les réseaux hydrologiques – des mares thermokarstiques -, en combinant des approches métagénomiques, métaprotéomiques, géomatiques et des essais de transfert horizontal de gènes, pour suivre comment les plasmides se propagent entre les communautés microbiennes.

« Anticiper le devenir des communautés microbiennes évoluant dans le pergélisol en dégel est crucial puisque ces communautés prennent part aux cycles biogéochimiques et aux boucles de rétroaction accélérant le réchauffement de la planète. Ceci ne peut se faire qu’en tenant compte de l’adaptation des communautés microbiennes à ce nouvel environnement et les éléments génétiques mobiles sont des vecteurs d’évolution avérés » insiste Valentine Cyriaque, postdoctorante à l’UMONS et au sein de l’Institut National de Recherche Scientifique (INRS – Canada).

L’objectif ? Relier la connectivité microbiologique à la connectivité hydrologique du paysage afin de mieux évaluer les risques environnementaux et sanitaires liés au dégel du pergélisol. Les résultats permettront de constituer une banque de données inédite sur les microbiomes arctiques, utile tant pour la recherche écologique que pour les domaines de la santé et de la biotechnologie.

« Le dégel du pergélisol a non seulement des impacts sur le fonctionnement des écosystèmes mais aussi sur le bien-être des communautés autochtones qui vivent sur ces territoires. Les conséquences du réchauffement climatique sur le pergélisol renvoient donc aussi des préoccupations locales. Les territoires que nous visiterons sont situés à proximités des communautés crie de Whapmagoostui et inuit de Kuujjuarapik et Mittimatalik » explique Valentine Cyriaque.

« Ce travail collectif est un bel exemple de synergie scientifique : il combine nos expertises en microbiologie, en géochimie et en bioinformatique pour éclairer un enjeu global », souligne Ruddy Wattiez.

Ce projet de recherche est le fruit d’une collaboration bilatérale entre l’UMONS, l’Institut National de la Recherche Scientifique (INRS), l’Université du Québec à Trois-Rivières et l’Université Laval, soutenue par le FNRS et le FRQ, le  Fonds de recherche du Québec et en partenariat avec le Centre d’Etudes Nordiques et l’université de Copenhague. Ensemble, ces équipes espèrent produire les connaissances indispensables pour anticiper les boucles de rétroaction climatique liées au dégel du pergélisol.