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Disparition de plantes et extinctions animales: l’effet domino

Publié le 4 janvier 2017
Rédigé par UMONS Administration
Lorsque les plantes disparaissent à cause du changement climatique, cela peut mener à des pertes de plusieurs espèces animales. C'est cet effet domino que décrit un article paru dans "Nature Communication" auquel les biologistes de l'UMONS ont collaboré.

Des biologistes de l’UMONS décrivent dans « Nature Communication » la perte d’espèces de plantes qui déclenche l’extinction d’animaux

Le déclin ou l’extinction des campanules
(en haut/crédit: Helge Brülheide)peut
déclencher une co-extinction d’espèces
animales.

Lorsque les plantes disparaissent à cause du changement climatique, cela peut mener à des pertes subséquentes de plusieurs espèces animales. Les insectes qui dépendent d’interactions avec des partenaires végétaux particuliers en sont particulièrement sensibles. Les plantes, au contraire, seront moins sensibles à la disparition de leurs partenaires animaux, selon une équipe internationale dont font partie des biologistes de l’Université de Mons (UMONS). Leur étude a été publiée récemment dans la revue scientifique « Nature Communication ». Le rôle de Mons dans cette équipe internationale a été de rassembler et d’organiser les données sur les abeilles sauvages.

La campanule est une plante qui sera particulièrement affectée par le changement climatique. Elle est une ressource en nourriture essentielle pour une espèce d’abeille coupeuse de feuille, Chelostoma rapunculi. La disparition de la première entraînerait donc la disparition de la seconde. Comme toutes les espèces animales et végétales, elles sont un élément de réseaux écologiques complexes où chaque espèce est interconnectée. « L’extinction locale d’animaux ou de plantes peut entraîner une réaction en chaîne d’autres événements d’extinctions à l’intérieur de ces réseaux, par exemple, à la suite du changement climatique », estime le Dr. Matthias Schleuning du « Senckenberg Biodiversity and Climate Research Centre » en Allemagne, premier auteur de l’étude.

L’équipe de chercheurs a réalisé une modélisation de la vulnérabilité au futur changement climatique de plus de 700 espèces animales et végétales présentes en Europe. Pour la première fois, les chercheurs ont combiné ces modèles avec des données sur les interactions réelles qui existent entre les plantes d’une part, et leurs pollinisateurs et disperseurs de graines d’autre part. Ces simulations indiquent que la première étincelle provoquant les cascades d’extinction liées au changement climatique vient essentiellement des plantes et est transférée indirectement aux animaux.

L’effet domino décrit dans l’article
est particulièrement marqués chez certaines
espèces comme l’abeille Chelostoma rapunculi
(ci-dessus/crédit: Andreas Haselböck)
qui interagissent avec un petit nombre
d’espèces végétales.

Cet effet domino est particulièrement fort pour les espèces animales spécialistes qui interagissent avec un petit nombre de plantes, puisqu’elles sont plus sensibles aux changements climatiques que les espèces animales généralistes. « Dans le futur, ces espèces animales spécialistes vont donc faire face à un double risque de déclin. D’après nos analyses, elles ont des niches climatiques étroites et sont directement exposées à l’augmentation des températures », explique Dr. Christian Hof du même institut de recherche. « Chelostoma rapunculi est donc affectée directement, à cause du changement climatique, mais aussi indirectement à cause de la disparition de ressources alimentaires principales comme la campanule » selon Dr. Jochen Fründ de l’université de Freiburg.

A l’opposé, les chercheurs n’ont détecté qu’un effet mineur de cascade d’extinction des animaux vers les plantes, car les animaux particulièrement affectés par les changements climatiques interagissent généralement avec un faible nombre d’espèces de plantes. « Par exemple, la campanule est visitée par de nombreux pollinisateurs différents. On peut donc s’attendre à ce qu’elle ne soit pas affectée significativement par la perte d’un petit nombre de pollinisateurs spécialistes », ajoute le Dr. Fründ.

Des abeilles comme Chelostoma rapunculi pourraient échapper à ce destin tragique si elles rétablissent des interactions nombreuses avec de nouveaux partenaires végétaux dans le futur. Cependant, le potentiel des espèces animales pour renouveler leurs interactions n’est pas très bien compris. Les animaux qui dépendent particulièrement de certaines espèces de plantes pendant l’ensemble de leur cycle de développement apparaissent particulièrement en danger. En conséquence, les insectes pollinisateurs comme les abeilles sont plus exposés, en comparaison aux oiseaux qui tendent à être plus flexibles dans le choix de leurs ressources alimentaires.

“Notre étude montre que le changement climatique a un impact direct sur beaucoup d’espèces animales, mais un effet indirect joue aussi un rôle. En conséquence, le changement climatique peut avoir plus d’effet négatif sur la biodiversité que ce qui été présumé précédemment », dit Dr. Schleuning. Et il ajoute : “Il est donc important de considérer les interactions biologiques entre organismes pour prédire les impacts potentiels du changement climatique sur la biodiversité ».

Dans le cadre de cette étude, l’Université de Mons s’est chargée du rassemblement et de la gestion des données concernant les abeilles sauvages. Elle fédère ainsi les efforts nationaux de collecte des données de tous les pays d’Europe dans une structure unifiée. La banque de donnée européenne organisée à Mons comprend maintenant près de 3,5 millions de données, ce qui en fait la plus grande source d’information du monde sur les abeilles sauvages.

Plus d’infos sur cette étude?

Prof. Pierre Rasmont
Université de Mons
Laboratoire de Zoologie
P
hone +32(0)65373437
pierre.rasmont@umons.ac.be

 

Prof. Denis Michez
Université de Mons
Laboratoire de Zoologie
Phone +32 (0)65373807
denis.michez@umons.ac.be