Une avancée majeure dans les interactions plantes-insectes
Lors de randonnées dans les forêts, ou même en profitant de son jardin, on se demande parfois pourquoi certaines plantes présentent des dommages importants causés par les insectes, alors que d’autres membres de la même espèce sont épargnés. Est-ce lié à ce que les insectes préfèrent manger ? Y a-t-il quelque chose dans ces plantes qui les rendent plus attrayantes ? Qu’est-ce qui fait que les dégâts causés par les insectes sont si ponctuels et inégaux ? William Wetzel, professeur associé de l’Université d’État du Montana (USA), a dirigé un réseau de près de 200 scientifiques du monde entier dont le laboratoire d’Écologie des Interactions et Changements Globaux (EICG) de l’UMONS fait partie.
L’étude en un coup d’œil
Les scientifiques ont exploré la variabilité des interactions entre les plantes et les insectes. La base de données massive qui en résulte, couvrant plus de 530 espèces végétales dans 34 pays, est décrite dans un article publié dans la revue Science, intitulé « Plant size, latitude, and phylogeny explain within-population variability in herbivory » (la taille des plantes, la latitude et la phylogénie expliquent la variabilité de l’herbivorie au sein des populations). En quelques années seulement, le groupe a enregistré des modèles de dommages causés par l’alimentation des herbivores sur plus de 50 000 plantes et des centaines de milliers de feuilles, une avancée qui a été rendue possible par l’ampleur et la diversité de l’équipe de recherche.
« L’étude des interactions plantes-insectes est au cœur de nos recherches au sein de la Faculté des Sciences », déclare Kévin Tougeron, chef du service EICG de l’UMONS. « Nous étudions la façon dont les espèces interagissent entre elles et avec leur environnement, et ce projet international fait à la fois écho à nos grandes questions scientifiques, mais tente aussi de répondre à des phénomènes que l’on peut observer dans la vie quotidienne ». L’herbivorie désigne la quantité d’herbivores, tels que les insectes, et les dégâts qu’ils causent en se nourrissant de plantes. « De manière frappante, la théorie dit que la variabilité dans l’herbivorie est importante, mais elle n’avait jamais été quantifiée de manière empirique, ce qui est maintenant chose faite à l’échelle mondiale ! », ajoute-t-il.
Conséquences pour la biodiversité
La publication dans Science constitue une première étape importante dans ce qui sera un travail de longue haleine.
L’un des principaux enseignements tirés des données recueillies est que la répartition des dégâts causés par les insectes est beaucoup plus homogène sur les plantes à proximité de l’équateur. Les dégâts sont par contre plus inégaux plus au nord et au sud, une tendance qui a plusieurs implications :
- Cela pourrait contribuer à expliquer les niveaux extrêmes de biodiversité végétale dans les tropiques. Si les dégâts causés par les herbivores sont uniformément répartis au sein d’une population de plantes, chaque plante doit être préparée à résister aux interactions avec les insectes. Les attaques constantes et la nécessité de se défendre peuvent stimuler l’évolution dans une plus large mesure que dans les régions où la plupart des individus n’ont pas à lutter contre les insectes.
- Il y a également des implications pour l’agriculture. Les résultats suggèrent que si l’on compare les exploitations agricoles entre l’équateur et les latitudes plus élevées, les ravageurs des latitudes plus élevées concentrent leurs dégâts de manière à dépasser le seuil économique acceptable. En d’autres termes, les chercheurs suggèrent que les producteurs devraient mieux cibler leur lutte contre les ravageurs aux latitudes plus élevées.
À travers cette publication et ce projet de recherche, on se rend compte que la communauté de recherche sur les plantes et les herbivores dans le monde entier est de plus en plus importante.
« Les gens sont enthousiastes, dévoués, collégiaux et il est agréable de travailler avec eux », poursuit Kévin Tougeron. « C’est ce qui a rendu ce projet possible. Nous sommes tous des chercheurs et chercheuses spécialisés sur les herbivores, mais nous disposons d’une incroyable diversité de cultures, d’écosystèmes et de façons de faire de la science, et c’est là la plus grande force du projet dont l’effort de collaboration se poursuit encore aujourd’hui ».