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Le génome de l’ophiure : une avancée significative pour mieux comprendre l’évolution de la régénération chez les animaux

Publié le 25 septembre 2024
Rédigé par Christophe Morel
Une équipe de chercheurs, comprenant le Dr. Jérôme Delroisse, chercheur postdoctoral à l'Université de Mons, a récemment publié une étude dans Nature Ecology and Evolution sur le séquençage du génome de l’ophiure européenne Amphiura filiformis, un invertébré marin réputé pour ses capacités exceptionnelles de régénération.

Les méthodes et techniques actuelles transforment profondément la biologie en offrant des outils puissants pour explorer la diversité et l’évolution des espèces. Les dernières années ont été marquées par un effort considérable de séquencer les génomes des organismes de notre planète. Outre le challenge technique, ces génomes sont des mines d’or d’informations pour les chercheuses et les chercheurs qui étudient ces organismes.

Une équipe de chercheurs, comprenant le Dr. Jérôme Delroisse, chercheur postdoctoral à l’Université de Mons (Service de Biologie des Organismes Marins et Biomimétisme), a récemment publié une étude dans Nature Ecology and Evolution sur le séquençage du génome de l’ophiure européenne Amphiura filiformis, un invertébré marin réputé pour ses capacités exceptionnelles de régénération.

Une première pour les ophiures!

Les ophiures sont des animaux marins appartenant au groupe des échinodermes, tout comme les étoiles de mer, les oursins ou les concombres de mer. Ces organismes se caractérisent par un petit corps central et de longs bras fins et flexibles.

Les échinodermes, dont font partie les ophiures, occupent une position phylogénétique particulière dans l’arbre du vivant. Ils appartiennent à une lignée évolutive qui inclut également les vertébrés. A titre comparatif, les insectes ou les mollusques, par exemple, appartiennent à une autre lignée évolutive. Les échinodermes et les vertébrés partagent donc un ancêtre commun plus récent que celui qu’ils partagent avec la majorité des autres invertébrés. Étudier les échinodermes peut ainsi nous aider à mieux comprendre l’évolution de notre propre lignée évolutive !

L’intérêt scientifique des ophiures réside aussi dans leurs capacités exceptionnelles de régénération. Elles peuvent régénérer leurs bras après une blessure, ce qui en fait un modèle idéal pour étudier les processus de cicatrisation et de régénération.

La régénération des animaux: un processus commun ?

L’analyse approfondie de l’expression génétique au cours de la régénération chez l’ophiure a révélé des vagues successives d’expression de gènes régulant des processus fondamentaux tels que la cicatrisation, la prolifération et la différentiation tissulaire chez ces organismes particuliers.

Une approche comparative de l’expression des gènes lors de la “régénération d’appendices” (les bras, les jambes ou les pattes…) a été réalisée avec d’autres espèces d’invertébrés et de vertébrés. Cette analyse a révélé une conservation des gènes impliqués, particulièrement dans la phase proliférative, entre les invertébrés et les vertébrés.

Cette étude suggère que les gènes conservés, connus pour leurs rôles dans la régénération chez d’autres espèces, pourraient également contribuer à la régénération des ophiures. Les recherches futures devront déterminer si cette similarité résulte d’une ascendance commune ou d’une utilisation convergente des mêmes voies moléculaires.

Régéneration et bioluminescence au service de la survie!

Certaines ophiures, comme Amphiura filiformis, se distinguent non seulement par leur capacité de régénération, mais aussi par leur aptitude à émettre de la lumière, on parle de bioluminescence.

En cas d’attaque par un prédateur, les ophiures peuvent « autotomiser » leurs bras, c’est-à-dire les détacher volontairement. Le bras détaché émet alors un flash lumineux, perturbant le prédateur et détournant son attention de l’ophiure, qui pourra ensuite régénérer son bras amputé. Ainsi, ces deux capacités, régénération et bioluminescence, interagissent pour améliorer la survie des ophiures dans leur environnement naturel.

D’un point de vue moléculaire, la bioluminescence est médiée par une enzyme spécifique appelée ‘luciférase’. Le nouveau génome de l’ophiure constitue une excellente opportunité pour étudier l’évolution de ces gènes et, plus généralement, de la bioluminescence. Il révèle de multiples copies de gènes ‘luciférase’ qui semblent, en réalité, remplir des fonctions moléculaires variées durant la vie de l’animal.