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L’UMONS contribue à dresser la Liste rouge européenne des abeilles sauvages : jusqu’à 40 % des espèces menacées d’extinction en Belgique

Publié le 15 octobre 2025
Rédigé par Christophe Morel
La nouvelle mise à jour de la Liste rouge de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) dresse un constat alarmant : entre 30 et 40 % des espèces d’abeilles sauvages de Belgique sont aujourd’hui menacées d’extinction. Cette évaluation, réalisée à l’échelle européenne, révèle que les abeilles et autres pollinisateurs subissent de plein fouet les effets combinés de l’agriculture intensive, de l’urbanisation et du changement climatique. L’UMONS, par le biais de l’entomologiste Denis Michez, coordinateur principal de l’évaluation européenne des abeilles sauvages, joue un rôle clé dans cette étude.
Pr Denis Michez, entomologiste dans le laboratoire de zoologie à l’UMONS. (photo UMONS)

Sur près de 2.000 espèces d’abeilles sauvages recensées en Europe, 10 % figurent désormais sur la liste des espèces menacées, avec un nombre d’espèce en hausse significative par rapport à la précédente évaluation de 2014.

En Belgique, la situation est encore plus critique. « Notre pays concentre et amplifie les menaces européennes, explique le Pr Denis Michez, entomologiste dans le laboratoire de zoologie à l’UMONS et coordinateur principal de l’évaluation européenne des abeilles sauvages. La densité de population, l’étalement urbain et la simplification des paysages agricoles entraînent une destruction massive des habitats naturels. À cela s’ajoute l’usage intensif de pesticides et de engrais chimiques, qui altèrent les écosystèmes et fragilisent les populations d’abeilles », ajoute-t-il.

Ces insectes sauvages, souvent méconnus du grand public, assurent pourtant près de 90 % de la pollinisation des plantes à fleurs sur le continent. Or, seule une espèce, l’abeille domestique (Apis mellifera), est domestiquée et largement utlisée par l’être humain. Les autres (bourdons, abeilles charpentières, collètes, osmies…) sont sauvages et irremplaçables dans les écosystèmes.

Un constat contrasté mais des raisons d’espérer

Certaines espèces dites gagnantes, comme l’abeille charpentière, étendent leur territoire vers le nord grâce au réchauffement climatique. Mais ces cas restent minoritaires. « Pour une espèce qui profite de la hausse des températures, plusieurs peuvent régresser », rappelle Denis Michez.

Le laboratoire de zoologie de l’UMONS, poursuit ses recherches. (Photo UMONS)

En Belgique, environ 15 % des espèces ont déjà disparu depuis que des données existent, principalement à cause du remembrement agricole après la seconde guerre mondiale. L’UMONS et ses partenaires de recherche œuvrent donc à documenter finement ces pertes afin de mieux orienter les politiques de restauration écologique.

Denis Michez, qui intervenait récemment lors de la Conférence mondiale de l’UICN à Abou Dhabi, insiste : « Ce travail scientifique n’a de sens que s’il permet d’agir. Grâce à la Liste rouge, nous disposons d’une base de données solide pour guider les décisions politiques et locales. »

La bonne nouvelle, souligne l’entomologiste montois, est que la biodiversité réagit vite aux mesures de protection. La création de zones fleuries, le verdissement raisonné des villes, le soutien à l’agriculture biologique et la préservation des haies et prairies naturelles offrent des résultats tangibles en quelques années seulement. « Souvenons-nous du confinement : la nature reprend ses droits dès qu’on lui en laisse la possibilité. Chaque geste compte, du choix des arbres plantés en ville jusqu’à la manière dont on entretient son jardin », ajoute-t-il.

L’UMONS, à travers son laboratoire de zoologie, poursuit ses recherches sur la dynamique des populations d’abeilles sauvages et leurs interactions avec les paysages. Ces travaux, intégrés au réseau européen de suivi des pollinisateurs, contribuent directement aux objectifs du « New Deal for Pollinators » et de la réglementation européenne sur la restauration de la nature.

Face à l’urgence écologique, la recherche universitaire joue un rôle pivot pour documenter, alerter et accompagner les transitions nécessaires. Les scientifiques de l’UMONS rappellent que la disparition des abeilles sauvages n’est pas une fatalité : les solutions existent, à condition d’une volonté collective forte. « Nous savons désormais ce qu’il faut faire. Il ne reste qu’à agir », conclut Denis Michez, avec un optimisme mesuré mais résolu.

 

*Crédit des photos d’abeilles: Gustavo Pena Tejera, Eric Leglise