Sujet de thèse

Entrepreneuriat à impact et technologies numériques : comment les start-up combinent innovation, durabilité et viabilité économique ?

Description

1. Contexte et problématique scientifique

Depuis une quinzaine d’années, on observe une montée en puissance de l’entrepreneuriat à impact (social business, entreprises à mission, B Corp, ESS…) et du numérique comme infrastructure de base de l’innovation (plateformes, IA, IoT, applications mobiles, blockchain, etc.).

Ces deux dynamiques se croisent de manière particulièrement visible dans les start-up à impact numérique : des entreprises qui se donnent des objectifs explicites de contribution sociale et/ou environnementale (réduction des émissions, circularité, inclusion, santé, éducation…), tout en s’appuyant sur des technologies numériques pour créer, délivrer et capturer de la valeur.

Mais ce croisement soulève plusieurs tensions structurelles :

– Les modèles d’affaires des start-up numériques reposent souvent sur des logiques de croissance rapide, de scalabilité et parfois de recherche de monopole (plateformes, effets de réseau), peu compatibles avec des principes de sobriété, de limitation de la consommation matérielle ou de décroissance sélective.

– Les technologies utilisées (cloud, IA, capteurs, data centres, objets connectés) génèrent elles-mêmes des impacts environnementaux non négligeables (énergie, ressources, déchets électroniques).

– Les financeurs (capital-risque, investisseurs à impact, subventions publiques) imposent des attentes différenciées en termes de rentabilité, de croissance, et de mesure d’impact, ce qui renforce les arbitrages difficiles pour les entrepreneurs.

D’où la problématique centrale :

Comment les start-up à impact qui mobilisent les technologies numériques conçoivent-elles leurs modèles d’affaires pour concilier innovation, durabilité (sociale et environnementale) et viabilité économique, et quels facteurs contextuels facilitent ou entravent ces trajectoires ?

Cette question invite à analyser conjointement :

– les modèles d’affaires (business models) et leurs logiques de création/capture de valeur,

– les tensions et arbitrages entre objectifs de croissance, d’impact et de soutenabilité,

– les caractéristiques des entrepreneurs et des écosystèmes dans lesquels ces entreprises émergent.

2. Objectifs de la thèse

La thèse pourrait poursuivre plusieurs objectifs :

– Cartographier et analyser les modèles d’affaires de start-up à impact numérique (types de propositions de valeur, logiques de revenus, structures de coûts, partenariats, logique de plateforme, etc.).

– Mettre au jour les tensions, contradictions et arbitrages entre croissance (scalabilité, recherche de parts de marché), impact social et environnemental et soutenabilité économique (profitabilité, résilience financière).

– Identifier des profils types d’“entrepreneurs durables numériques” (valeurs, trajectoires, compétences, représentations de la durabilité) et analyser comment ces profils influencent la conception du modèle d’affaires.

– Analyser le rôle des écosystèmes (incubateurs, accélérateurs, financeurs, politiques publiques, dispositifs de soutien) dans l’orientation des trajectoires : qu’est-ce qui favorise un alignement entre numérique et durabilité, et qu’est-ce qui pousse au contraire vers une logique de croissance « classique » ?

– Proposer un cadre conceptuel permettant de caractériser les formes de « compatibilité » ou « d’incompatibilité » entre technologies numériques, impact et viabilité économique.

3. Cadre théorique mobilisable

La thèse peut s’inscrire à l’intersection de plusieurs champs :

– Entrepreneuriat & entrepreneuriat social / à impact :

– Théories de l’entrepreneuriat institutionnel, de l’entrepreneuriat social, de l’entrepreneuriat durable.

– Travaux sur la mission hybride (double ou triple finalité : économique, sociale, environnementale) et les tensions identitaires/organisationnelles associées.

– Théorie des modèles d’affaires : Business model innovation, business models durables, business models circulaires, Notions de création de valeur pour des multiples parties prenantes (stakeholder value) plutôt que simple shareholder value, Études sur le numérique et les plateformes, Digital entrepreneurship, plateformisation, effets de réseau, scalabilité, Interrogation des promesses de « dématérialisation » à la lumière de la matérialité des infrastructures numériques.

– Théories des écosystèmes d’innovation et de l’impact investing : Écosystèmes entrepreneuriaux, systèmes d’innovation régionaux, Développement de la finance à impact, fonds à mission, critères ESG.

4. Méthodologie possible

Une méthodologie qualitative-comparative, éventuellement complétée par des volets quantitatifs, serait adaptée.

Phase de cadrage et revue de littérature

– Revue approfondie sur : entrepreneuriat à impact, business models durables, digital entrepreneurship, green/digital transition, finance à impact.

– Construction d’un cadre d’analyse des business models à impact numérique (grille d’analyse structurée).

Phase empirique qualitative (études de cas)

– Sélection d’un échantillon de start-up à impact numérique (secteurs variés : énergie, mobilité, santé, éducation, économie circulaire…).

– Collecte de données via entretiens semi-directifs avec fondateurs, dirigeants, responsables impact, CTO, investisseurs, analyse de documents (pitch decks, rapports d’impact, sites web, présentations à des investisseurs, etc.), éventuellement observation participante (incubateur, accélérateur, programme d’accompagnement).

– Analyse de contenu (coding thématique) pour faire émerger des patterns de modèles d’affaires, des tensions récurrentes, des stratégies de résolution ou de contournement.

Phase de typologie et modélisation

– Construction d’une typologie de business models d’entrepreneuriat à impact numérique (par ex. : « plateforme inclusive », « solution B2B de réduction d’empreinte », « modèle hybride subvention-marché », etc.).

– Mise en évidence de profils d’entrepreneurs associés et de configurations d’écosystème favorables/défavorables (logique de type “configurationnelle” : quand tel profil d’entrepreneur rencontre tel type de financeur dans tel contexte institutionnel, alors telle trajectoire devient possible).

Eventuel volet quantitatif (optionnel mais intéressant)

Questionnaire auprès d’un échantillon élargi de start-up à impact numérique pour tester quantitativement certaines relations (par exemple : influence de certains types de financeurs sur les choix de croissance, lien entre certaines pratiques de management et la stabilité de la mission d’impact).

5. Contributions attendues

Contributions théoriques

– Affinement du concept de business model d’entrepreneuriat à impact numérique, en intégrant explicitement la tension entre scalabilité numérique et durabilité.

– Mise en lumière de nouvelles formes d’hybridation entre logique d’impact et logique startup/plateforme.

– Approfondissement des travaux sur l’entrepreneuriat durable en y intégrant de manière centrale la dimension numérique (et pas seulement sectorielle : énergie, mobilité, etc.).

Contributions empiriques

– Études de cas détaillées de start-up à impact numérique, permettant de documenter des trajectoires concrètes (succès, échecs, pivots, renoncements).

– Typologie de modèles d’affaires et de profils d’entrepreneurs, utile pour comparer contextes et pays.

Contributions pratiques / managériales

– Recommandations pour les fondateurs de start-up à impact sur la conception de modèles d’affaires compatibles avec leurs objectifs de durabilité.

– Éléments d’orientation pour les incubateurs, accélérateurs et financeurs à impact sur la manière de concevoir leurs critères de sélection, d’accompagnement et d’évaluation.

– Proposition de grilles ou d’outils d’auto-diagnostic pour permettre aux start-up de se positionner sur le continuum innovation – impact – viabilité économique.

À propos de ce sujet de thèse

Service
Service Information, Signal et Intelligence artificielle
Promoteur
Virginie Vandenbulcke

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