Défense publique de la dissertation de doctorat de Monsieur Antoine BRANDELET
Titre de la dissertation: » Le réalisme scientifique à l’épreuve de la fiction »
Promoteurs de thèses: Madame Anne STAQUET et Dominique LAMBERT
Résumé de la dissertation
Le réalisme scientifique est une thèse centrale de la philosophie des sciences, c’est même l’une des conceptions philosophiques les plus discutées et débattues. Dans sa forme la plus simple, le réalisme est l’idée selon laquelle l’adéquation empirique et la puissance prédictive des productions scientifiques (par exemple des théories) est un indicateur fiable de leur validité en tant que descriptions de la réalité.
Par ailleurs, il est largement reconnu que les modèles occupent un rôle très important dans la connaissance scientifique, et une grande partie de la pratique scientifique consiste à élaborer et tester ces modèles. La position réaliste consiste alors à soutenir que les modèles efficaces dans leurs prédictions sont des représentations adéquates des systèmes physiques qu’ils modélisent.
Pourtant, les modèles scientifiques ne sont que très rarement des descriptions crédibles des phénomènes qu’ils tentent d’expliquer. Il est admis que les modèles contiennent des idéalisations, des approximations, et qu’ils font abstraction de certains facteurs. C’est une question pratique qui a des conséquences philosophiques très profondes. Si l’on peut facilement admettre que ces idéalisations sont nécessaires pour que le modèle puisse être développé, cela pose la question du succès empirique et prédictif.
Cette constatation a poussé certains philosophes à comparer les modèles scientifiques avec des fictions. Un modèle n’est pas le reflet de la réalité et des phénomènes, mais un objet dont certaines propriétés ne sont pas applicables au monde physique, voire même impossibles. Dès lors, que peut-on dire de leur validité en tant que descriptions de la réalité ? Que peut-on déduire de leur efficacité prédictive ?
Cette thèse se propose d’éclaircir ces questions. Tout d’abord, j’examine en détail les implications philosophiques et scientifiques de cette comparaison avec la fiction. En particulier, il apparaît que ce qui caractérise les fictions n’est pas comme on le pense souvent la fausseté des énoncés, mais une certaine attitude vis-à-vis de la fiction qui s’apparente à un jeu dans lequel nous faisons semblant de croire ce que le modèle décrit. Un scientifique étudiant un modèle fera momentanément comme si le modèle était une description fidèle de la réalité, et c’est justement de ce processus que le modèle tire sa puissance prédictive.
Dans un second temps, j’étudie les contraintes que cette analyse pose sur les conditions d’une interprétation réaliste du succès expérimental et prédictif. Cela amène à préciser la notion, notoirement floue, de modèle. Ces derniers doivent être pensés comme des entités dynamiques capables d’exemplifier certaines structures génératrices de propositions contrefactuelles à propos des systèmes physiques modélisés. Ces structures sont généralement interprétées en termes de relations causales.
Dans un troisième temps enfin, je construis un cadre de pensée qui tire les enseignements de l’analyse menée en amont pour proposer une défense efficace de la position réaliste à propos de la puissance représentationnelle et explicative des modèles scientifiques. Il apparaît alors qu’il est possible d’établir une relation entre le succès empirique et la préservation de la structure contrefactuelle sous une large
gamme de conditions initiales. C’est cette structure causale qui est alors porteuse du succès des modèles et qui est le point focal de l’interprétation réaliste.
7000 Mons, Belgique