défense de thèse Indiana Ternad
Titre de la thèse : Étude mécanistique in vitro de l’effet radiosensibilisant des nanoparticules d’oxyde de fer en radiothérapie
Promoteur de thèse: Madame Sophie Laurent et Monsieur Dimitri Stanicki
Résumé de la dissertation
Dans ses derniers rapports, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) souligne que près de 50 % des patients atteints de cancer bénéficieront d’une radiothérapie au cours de leur prise en charge. Bien que cette modalité thérapeutique soit essentielle, elle se heurte à plusieurs limitations majeures, notamment la radiorésistance de certaines tumeurs et les effets indésirables sur les tissus sains avoisinants. L’optimisation de la fenêtre thérapeutique, visant à maximiser l’efficacité antitumorale tout en minimisant la toxicité périphérique, constitue ainsi un enjeu central. Dans ce contexte, l’utilisation de nanoparticules comme agents radiosensibilisants (AR) suscite un intérêt croissant, en raison de leur potentiel à renforcer les effets de l’irradiation.
Ce travail de recherche s’est focalisé sur les nanoparticules d’oxyde de fer (IONPs), déjà largement exploitées en imagerie médicale, mais dont les propriétés radiosensibilisantes restent encore peu explorées et mal comprises. Plusieurs formulations, synthétisées au laboratoire ou issues du commerce ont été étudiées. Elles ont été caractérisées selon leur taille, leur charge, leur stabilité colloïdale et leurs propriétés magnétiques. Leur comportement a ensuite été évalué in vitro sur des cellules A549 afin de déterminer leur cytotoxicité, leur capacité d’internalisation, ainsi que leur impact sur la survie cellulaire après irradiation par rayons X.
Nos résultats ont mis en évidence un effet radiosensibilisant formulation-dépendant, avec des variations marquées selon les caractéristiques des nanoparticules testées. Les IONPs carboxylées conçues au laboratoire, se sont révélées particulièrement efficaces, atteignant un facteur d’amplification (AF) allant jusqu’à 16,8, soit une valeur 2,5 fois supérieure à celle observée pour les formulations commerciales évaluées dans les mêmes conditions. Une corrélation significative a par ailleurs été observée entre la quantité de nanoparticules internalisées et l’ampleur de l’effet radiosensibilisant, suggérant un lien étroit entre la quantité intracellulaire en fer et la potentialisation des effets de l’irradiation.
Afin de mieux comprendre les mécanismes à l’origine de cet effet, nous avons mené une série d’analyses permettant de distinguer les contributions physiques, chimiques et biologiques. Les calculs de sections efficaces ont montré que le fer, en tant qu’élément de numéro atomique intermédiaire, présente une capacité limitée à amplifier localement le dépôt de dose par interaction photonique, comparé à des matériaux à plus haut Z tels que l’or. De plus l’évaluation de la production intracellulaire de dérivés réactifs de l’oxygène (ROS) n’a révélé aucune augmentation significative en présence d’IONPs, et aucune corrélation n’a pu être établie entre les niveaux de ROS et l’effet radiosensibilisant. Ces résultats suggèrent que ni les interactions photoniques directes avec la nanoparticule ni les processus de production de ROS ne constituent les mécanismes dominants dans notre modèle.
En revanche, les analyses biologiques ont révélé une inhibition marquée de la thioredoxine réductase (TrxR), une enzyme clé dans le maintien de l’équilibre redox intracellulaire. Cette inhibition a montré une forte corrélation avec le AF2Gy observé, suggérant un lien direct entre la perturbation de l’homéostasie redox et la radiosensibilisation induite par les IONPs. L’étude des voies d’endocytose, combinée à une analyse en microscopie confocale de la localisation subcellulaire, a permis de déterminer que les IONPs carboxylées étaient majoritairement internalisées par macropinocytose et se retrouvaient localisées au sein des lysosomes. Cette accumulation lysosomale implique probablement une dégradation progressive des nanoparticules dans ce compartiment acide, entraînant la libération d’ions ferreux et ferriques, susceptibles d’interagir avec le site actif de la TrxR, contenant un résidu de sélénocystéine. Ces observations renforcent l’hypothèse d’un mécanisme de radiosensibilisation à dominance biologique, reposant sur l’inhibition enzymatique intracellulaire et le déséquilibre redox qui en découle.
Ces résultats ouvrent la voie à l’utilisation des IONPs comme agents radiosensibilisants, au même titre que les nanoparticules à haut numéro atomique classiquement étudiées dans ce contexte. Ils mettent également en évidence l’importance déterminante des propriétés physico-chimiques des nanoparticules dans la modulation de la réponse cellulaire à l’irradiation, soulignant ainsi la nécessité d’une conception optimisée des formulations pour améliorer leur efficacité en radiothérapie.