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Dix ans du Pacte pour un Enseignement d’Excellence : bilan et perspectives

Publié le 21 mars 2025
Rédigé par Benoit Vanschoebeke
Le 17 mars 2025, l’Institut d’Administration Scolaire (INAS) a organisé, sur le CampusUCharleroi, une journée d'étude, intitulée « 2015 – 2025 : dix ans du Pacte pour un Enseignement d’excellence : Les directeurs et leur équipe face aux défis des nouveaux modes de pilotage des établissements scolaires ».

Dix ans du Pacte pour un Enseignement d’excellence : bilan et perspectives

Le 17 mars 2025, l’Institut d’Administration Scolaire (INAS) a organisé, sur le CampusUCharleroi, une journée d’étude, intitulée « 2015 – 2025 : dix ans du Pacte pour un Enseignement d’excellence. Les directeurs et leur équipe face aux défis des nouveaux modes de pilotage des établissements scolaires ». Cet événement a rassemblé de nombreux acteurs éducatifs – directeurs d’établissements, conseillers au soutien et à l’accompagnement, délégués au contrat d’objectifs, formateurs, enseignants – ainsi que des chercheurs et des responsables institutionnels, dans le but de dresser un bilan de la réforme du pilotage des établissements scolaires et d’envisager des perspectives d’avenir.

Vous trouverez la compilation des présentations de la journée en cliquant ici sur ce lien.

Un défi pour les directions d’établissement

Les préoccupations centrales de cette journée portaient sur l’évolution du rôle des directeurs d’établissement dans la mise en œuvre des nouvelles politiques de pilotage, les défis qu’ils rencontrent au quotidien, ainsi que leurs interactions avec les autres acteurs intermédiaires du système éducatif.

Fabienne Renard, assistante de recherche à l’Université de Mons, a présenté une analyse approfondie de l’évolution de cette fonction, soulignant l’importance croissante du leadership pédagogique et de la responsabilisation accrue des directeurs. Elle a mis en lumière l’évolution de leur fonction, qui les positionne désormais comme des acteurs du changement, capables de mobiliser leurs équipes et d’assurer la mise en place des plans de pilotage. Les résultats de ses recherches dans le cadre de sa thèse mettent en exergue les difficultés rencontrées par les directeurs dans leur rôle de leader, notamment le sentiment de surcharge administrative et l’augmentation de la pression ressentie.

Pilotage des écoles : premiers bilans

Veerle Massin, chargée de l’implémentation et de la mise en œuvre de la nouvelle gouvernance du système éducatif au sein de l’Administration générale de l’enseignement (AGE – Fédération Wallonie-Bruxelles), a proposé un premier bilan des effets du Pacte sur le pilotage des établissements scolaires. Selon les premiers bilans, 99 % des écoles ont validé leur contrat d’objectifs, bien que la mise en œuvre varie selon les établissements. La collaboration entre les différents acteurs – équipes éducatives, parents, directions – s’avère un enjeu majeur, avec des résultats contrastés selon les contextes. Toutefois, elle a identifié une limite qui concerne les indicateurs de performance qui, bien qu’essentiels au suivi des avancées, sont parfois perçus comme une contrainte bureaucratique lourde, nécessitant un ajustement pour garantir leur pertinence face aux différents contextes scolaires.

Une approche comparative avec le Québec, la Suisse et la France

Cette journée d’étude a également offert l’occasion de confronter la situation belge francophone à d’autres modèles éducatifs.

Caroline Letor, professeure agrégée au département de gestion de l’éducation et de la formation de l’Université de Sherbrooke, a présenté l’approche québécoise, qui met en avant une gouvernance axée sur les résultats et un accompagnement soutenu des directions d’école.

Philippe Losego, professeur ordinaire à la Haute École Pédagogique du canton de Vaud, a démontré la grande hétérogénéité du système éducatif suisse, subdivisé en nombreux cantons. Il a souligné le rôle crucial de la formation continue des chefs d’établissement et les difficultés qu’ils rencontrent pour exercer un leadership pédagogique dans un contexte de sollicitations constantes.

Enfin, Romuald Normand, professeur à l’Université de Strasbourg, a présenté la situation française, marquée par un système fortement centralisé, où les directeurs doivent jongler entre les exigences administratives, la gestion des équipes et les attentes en termes de leadership. Il a également souligné l’importance de clarifier les concepts de leadership, management et pilotage.

Les discussions qui ont suivi ces présentations ont mis en exergue la nécessité de poursuivre les efforts engagés, en adaptant certains dispositifs afin de mieux répondre aux besoins des équipes éducatives. Parmi les recommandations formulées, on note l’importance de renforcer la formation initiale et continue des directeurs, de veiller à leur bien-être en prenant en compte leur charge de travail croissante et d’adapter les outils de suivi pour les rendre plus qualitatifs et moins contraignants. Il a également été suggéré d’évaluer régulièrement les effets concrets des réformes sur les élèves et les enseignants.

La parole aux acteurs

L’après-midi a débuté par des tables rondes qui ont offert aux participants l’occasion d’échanger entre acteurs du système éducatif sur les relations qu’entretiennent les directeurs belges francophones avec d’autres acteurs intermédiaires impliqués dans les modalités de pilotage – pouvoirs organisateurs, formateurs, conseillers au soutien et à l’accompagnement, délégués au contrat d’objectifs – ainsi qu’avec le monde de la recherche en éducation. Ces moments d’échange ont permis d’apporter des éclairages et des pistes de réflexion autour de plusieurs questions centrales :

  • Le délégués au contrat d’objectifs : évaluateur, contrôleur ou accompagnateur ?
  • Les membres des pouvoirs organisateurs : signataires officiels des contrats d’objectifs et/ou réels acteurs dans le cadre de leur mise en œuvre ?
  • La formation des directeurs contribue-t-elle à la mise en place de conditions nécessaires à la mise en œuvre des contrats d’objectifs (gestion de conflits, mobilisation des enseignants, résistances au changement, pilotage par les résultats, etc.) ?
  • Viser l’efficacité et l’équité au sein des établissements scolaires : faut-il choisir entre la liberté pédagogique et les connaissances issues de la recherche ?
  • Quelle complémentarité entre les directeurs et les conseillers au soutien et à l’accompagnement dans la mise en œuvre des contrats d’objectifs ?

Formation en gestion d’établissement

En clôture de journée, cinq enseignants-chercheurs des institutions universitaires belges francophones – Ariane Baye (ULiège), Sandrine Biémar (UNAMUR), Xavier Dumay (UCLouvain), Marie Görransson (ULB) et Marc Demeuse (UMONS) – ont proposé une présentation intitulée « Penser une formation diplômante en gestion d’établissement : un levier solide pour le renforcement des compétences et la valorisation de la fonction de direction ». Dans cette intervention à plusieurs voix, ils ont présenté le projet de Master de spécialisation en gestion d’établissement.

Partant du postulat que les directeurs sont des acteurs clés dans la mise en place de la réforme du Pacte pour un Enseignement d’excellence et que ceux-ci font face à une complexification et à un élargissement de leurs tâches et de leurs responsabilités, ce master interuniversitaire ambitionne de leur offrir une reconnaissance académique​ en articulant ce cursus à la formation initiale en vigueur. Les questions soulevées par les participants ont mis en lumière l’intérêt pour cette formation, envisagée comme un levier pour valoriser la fonction de direction et doter ces acteurs de compétences diverses afin de relever les nombreux défis induits par les nouvelles modalités de pilotage.

Cette journée d’étude a ainsi permis de poser un regard critique et constructif sur une décennie de transformations du système éducatif en Belgique francophone, tout en enrichissant la réflexion grâce aux perspectives internationales, ouvrant ainsi des pistes prometteuses pour l’avenir du Pacte pour un Enseignement d’excellence.