Les identités en question : La « Jungle » de Calais ou la réactivation de l’imaginaire colonial
Damien Darcis
J’interrogerai ici le pouvoir politique des images dans l’espace urbain. Pour ce faire, je m’appuierai sur la confrontation de deux types d’images exposées à Calais, ville désormais associée au « problème des migrants ». D’un côté, j’étudierai quatre tableaux de l’artiste de rue Banksy. De l’autre côté, j’analyserai des photos de contributeurs anonymes, dans les sites reculés, moins visibles, sur les murs, sur les portes ou sur les fenêtres des squats hébergeant des migrants ou des habitants de Calais. Alors que les images de Banksy diffusent un important message politique dénonçant la situation des migrants, tous les responsables politiques de Calais ont décidé de protéger ces peintures. Inversement, les images anonymes ne véhiculent aucun message politique. Cependant, ils sont systématiquement oblitérés ou détruits. Sur la base des travaux de Michel Foucault, Jacques Rancière et Étienne Balibar, je voudrais montrer que ce paradoxe s’explique peut-être moins par la célébrité de Banksy que par la relation des images à l’espace: les Banksy maintiennent et même perpétuent les divisions de l’espace et les relations entre les groupes sociaux qui composent l’ordre établi, alors que les images anonymes les suspendent pour faire exister des lieux autres – hétérotopiques – échappant au pouvoir.