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Une enquête de l’UMONS auprès de 1000 enseignant(e)s analyse leurs pratiques pédagogiques durant le confinement

Publié le 24 août 2020
Rédigé par Valery Saintghislain
Les 4 chercheurs ont recueilli jusqu'ici près de 1000 témoignages d'enseignant.e.s sur la façon dont ils ont vécu pédagogiquement le confinement et sur leurs éventuelles appréhensions quant à la toute prochaine rentrée.

Quatre chercheurs de l’Ecole de Formation des Enseignants et de l’Institut d’Administration Scolaire de l’Université de Mons (UMONS) ont interrogé près de 1000 des enseignants et enseignantes de la Fédération Wallonie-Bruxelles sur les pratiques qu’ils ont mises en œuvre durant le confinement (76 questions sur ce sujet) et la manière dont ils appréhendent la toute prochaine rentrée scolaire 2020-2021 (24 questions).

« En mars dernier, contextualise le Prof. Natacha Duroisin qui a encadré ce travail, nous avons été contraints de « repenser » nos recherches, financées dans le cadre du Pacte pour un enseignement d’excellence, car le terrain ne nous était plus accessible. Ainsi, au lieu de mener des expérimentations sur le terrain, nous avons décidé de venir en aide aux enseignants du projet afin de les aider à pratiquer l’enseignement à distance (mise à disposition d’outils, de supports vidéos…). Puis, nous nous sommes aperçus qu’il y avait une forte disparité entre eux. Nous avons donc cherché à comprendre ces disparités et avons eu l’idée de lancer cette enquête. Par ailleurs, je fais partie depuis quelques mois d’un consortium international de recherche regroupant des chercheurs de plusieurs pays en Europe et hors d’Europe. L’idée est de nous regrouper afin de comparer les données de recherche obtenues ».

L’objectif de la démarche scientifique entreprise par ces 4 chercheurs de l’UMONS est donc de dresser un état des lieux de la situation en Fédération Wallonie-Bruxelles et de comparer ces résultats avec les données d’autres pays situés en Europe et hors d’Europe.

À ce jour, (l’enquête étant toujours en cours), plus de 900 questionnaires ont été complétés et 505 d’entre eux ont pu être exploités pour la présentation des résultats décrits ci-dessous.

Les auteurs (le Prof. Natacha Duroisin épaulée par Romain Beauset, Laurie Simon et Chloé Tanghe) espèrent que d’autres enseignant.e.s complèteront le formulaire en ligne accessible via ce lien .

La publication des résultats finaux interviendra après la rentrée. Mais les 4 chercheurs peuvent déjà mettre en évidence les principales tendances suivantes :

Pour le volet enseignement durant le confinement

1. La fracture numérique n’est pas seulement présente chez les lèves mais elle l’est également chez les enseignant.e.s

  • Environ 10% des enseignants qui ont répondu à l’enquête disent avoir rencontré beaucoup de difficultés à utiliser l’outil numérique dans le cadre de l’enseignement à distance ;
  • Près de 12% disent être mal équipés à cet égard ;
  • Près de 60% des répondants disent qu’ils ont dû se former à utiliser certains outils numériques ;
  • Un sur deux (49,5%) a eu l’impression d’avoir eu plus de difficultés professionnelles lors du confinement qu’en temps normal. Et ce, malgré un investissement professionnel plus important que d’habitude (pour 40,8% des répondants).

2. Une perception divergente sur les vertus de l’enseignement à distance

  • On remarque un clivage entre les enseignants (48,9%) qui considèrent que l’enseignement à distance pendant le confinement a été une solution d’urgence, utile dans le contexte de crise sanitaire, mais qu’il faut éviter son utilisation sur le long terme et ceux (43% des enseignants interrogés) qui considèrent que l’expérience de la formation à distance pendant le confinement est une expérience très riche et qu’il est important de garder les innovations qu’elle a suscitées ;
  • Pour 59,7% des enseignants, l’enseignement à distance pendant le confinement a rendu leur métier moins intéressant/riche/stimulant que d’habitude ;
  • 46,4% des enseignants ont été plus stressés que d’habitude par la pratique de l’enseignement à distance :
  • 40,5% des répondants disent avoir été moins stressés que lors d’un enseignement en présentiel et 13,1% n’ont pas ressenti de différence concernant leur stress ;
  • D’un point de vue professionnel, les enseignants portent un jugement partagé en ce qui concerne la période de confinement : 47,5% en sont très satisfaits ou satisfaits et 52,5% n’en sont pas satisfaits.

3. Le recours aux réseaux sociaux et aux outils numériques pour maintenir le contact avec les élèves et les parents

  • 29,7% des enseignants disent avoir utilisé les réseaux sociaux (Facebook, Messenger, WhatsApp…) pour communiquer avec leurs élèves pendant le confinement ;
  • 49,8% des enseignants ont cherché à entrer en contact avec les parents (ou représentants légaux) des élèves afin de maintenir le lien social ;
  • L’équipement numérique des élèves varie plus ou moins fortement d’un établissement à un autre et d’une classe à une autre ;
  • Les enseignants ne connaissent pas forcément les outils numériques utilisés par les élèves (ordinateur, tablette, smartphone) pour suivre l’enseignement à distance dispensé. Les différents outils n’offrent pourtant pas les mêmes possibilités et le même confort pour la réalisation des tâches spécifiques demandées par l’enseignant (il est, par exemple, plus difficile de produire ou de lire un long texte sur smartphone que sur ordinateur ou tablette).

4. Malgré les efforts consentis, le constat d’une augmentation des inégalités et de l’hétérogénéité des classes

  • Plus de 80% des enseignants pensent que la période de confinement a amplifié les inégalités scolaires des élèves de leur établissement ;
  • 45% des enseignants ont proposé, pendant la période de confinement, un enseignement visant à faire apprendre de nouveaux contenus ou de nouveaux éléments du programme aux élèves (55% ne l’ont pas fait) ;
  • À la mi-mars, 35,6% des enseignants proposaient à leurs élèves des activités de RCD (remédiation-consolidation-dépassement (cf. circulaire) ;
  • On remarque une diversité de pratiques d’enseignement importante.

Pour le volet « Mesure de l’appréhension vis-à-vis de la rentrée »

1. Beaucoup d’enthousiasme et un brin d’anxiété à l’idée de reprendre les cours en présentiel

  • 95,5% des enseignants sont tout à fait ou en partie enthousiastes à l’idée de reprendre les cours en présentiel à la rentrée ;
  • 98,9% des enseignants ayant répondu à l’enquête seront contents de retrouver le contact avec leurs élèves en présentiel dès la rentrée (oui, tout à fait enthousiaste pour 86,3% des enseignants et oui, en partie pour 12,6% des enseignants) ;
  • La rentrée scolaire est envisagée sereinement par 30,8% des enseignants ayant répondu à l’enquête alors que 29% se disent déjà stressés et anxieux à l’idée de reprendre en présentiel ;
  • 46,7% des enseignants disent être plus stressés pour la rentrée scolaire 2020-2021 que pour les rentrées scolaires précédentes (30,8% disent être aussi stressés pour la rentrée 2020-2021 que pour les rentrées précédentes et 22,5% des enseignants disent ne pas être stressés).

2. Des craintes liées à l’accroissement des inégalités plus fortes encore à la rentrée

  • 69,4% des enseignants indiquent qu’ils craignent de constater plus d’inégalités d’apprentissage que d’habitude en ce début d’année scolaire ;
  • 73,5% des enseignants affirment que, durant le confinement, les « bons élèves » n’ont pas progressé aussi rapidement que ce qu’ils auraient pu faire si les cours s’étaient poursuivis en présentiel ;
  • 65,6% des enseignants affirment que les élèves les plus en difficultés ont progressé plus lentement que ce qu’ils auraient fait si les cours s’étaient poursuivis en présentiel;
  • 81% des enseignants disent que la crise sanitaire aura un impact sur l’hétérogénéité des apprentissages scolaires (matières maitrisées) ;
  • 81,5% des enseignants disent que la crise sanitaire aura un impact sur les méthodes de travail des élèves (perte de certaines habitudes de travail, oubli des contenus, difficulté à gérer les activités scolaires…).

3. Au final, une expérience de l’enseignement à distance qui s’avère bénéfique

  • 46,4% des enseignants comptent débuter l’année scolaire différemment des années précédentes (21,7% débuteront l’année scolaire comme les années précédentes et 31,9% ne savent pas encore comment débuter l’année scolaire) ;
  • 72,1% des enseignants disent qu’ils continueront à utiliser les nouveaux moyens d’enseigner ou conserveront de nouvelles habitudes d’enseignement ;
  • Les auteurs de l’enquête ont globalement relevé dans le chef des enseignants répondants, une forte envie des enseignants de s’exprimer sur la situation vécue ou à vivre à la rentrée.

Plus d’infos auprès de cette enquête via natacha.duroisin@umons.ac.be