Le Prix Nobel de Physique répond aux questions des étudiants et des chercheurs de l’UMONS
« Qu’est ce qui m’a poussé à faire des recherches en physique quantique ? J’hésite à vous le dire! J’ai eu un très mauvais professeur de physique quantique », a d’abord plaisanté Alain Aspect en répondant à la première question des étudiants ce jeudi 12 février dans l’auditoire La Fontaine sur la Plaine de Nimy, à l’occasion de sa journée à l’UMONS. « La vraie raison, c’est que c’est absolument essentiel, a ensuite repris plus sérieusement l’invité prestigieux du jour. Si on regarde un petit peu l’histoire de la physique, on s’aperçoit qu’au début du 20ème siècle, on a deux révolutions: la relativité et la physique quantique. La relativité n’a aucun impact sur notre vie. La société dans laquelle vous vivez a été transformée par la physique quantique. C’est la physique quantique qui a permis d’inventer les transistors, le laser, qui ont conduit à la société d’information et de la communication. Les gens qui ont inventé cela, ne ne sont pas des bricoleurs dans un coin, ce sont les plus grands physiciens de l’époque. La physique quantique a bouleversé la société », a-t-il ajouté.
Durant une bonne heure, une petite centaine d’étudiants de chimie et de physique, toutes classes confondues, ont eu l’occasion d’échanger avec cet invité de marque à propos notamment de ses travaux révolutionnaires dans le domaine de la physique quantique.
Médaille d’or du CNRS en 2005, lauréat le prix Wolf en 2010, de la médaille Albert-Einstein en 2012 ou encore du prix Balzan et de la médaille Niels Bohr en 2013, Alain Aspect a été récompensé en 2022 du prix Nobel de Physique. Une distinction partagée avec deux autres chercheurs, l’Américain John F. Clauser et l’Autrichien Anton Zeilinger, pour leurs travaux expérimentaux sur l’intrication qui ont permis d’appréhender le cœur de la théorie quantique.
Un peu timides au début face à cet interlocuteur à la fois pédagogue, précis, curieux et heureux surtout transmettre ses connaissances, les étudiants présents ont ensuite enchaîné les questions, sous le regard de Claude Semay, chef du service de physique nucléaire et subnucléaire et président du département de physique, et de Michel Voué, le Doyen de la Faculté des Sciences. L’occasion notamment pour Alain Aspect d’aborder le problème de la matière noire. « Vous observez le mouvements des galaxies, vous essayez de l’observer par les lois de Newton, ça ne marche pas. Et donc il y a une solution pour régler le problème, c’est de dire qu’il existe de la matière qu’on ne voit pas et qui est répartie dans la galaxie. Et si je la mets judicieusement, tout s’explique, en gardant les lois de Newton. Il ne faut pas penser que c’est une histoire farfelue. On a un exemple au 19ème siècle, c’est l’histoire de la planète Neptune, a développé le chercheur. Le problème c’est qu’on cherche depuis 30 ans. On a pas encore réussi à observer la matière noire. Ca pose une vraie question, et j’aimerais connaître la réponse. »
En plus de partager son savoir, notamment sur l’intrication quantique, Alain Aspect a aussi insisté sur tout ce qu’il reste encore à découvrir, un discours bien évidemment très inspirant pour celles et ceux qui ont choisi de prendre un chemin similaire à celui du physicien français. « Il y a toujours du travail. Chaque fois qu’on fait un progrès, on devient capable de poser des questions qu’on ne pouvait même pas imaginer avant d’avoir fait ce progrès. Par exemple, c’est en clarifiant nos idées sur l’intrication qu’on a eu l’idée d’un certain nombre de technologies quantiques, et en particulier de l’ordinateur quantique. »
Après avoir répondu à toutes les interrogations des étudiants et peut-être suscité des vocations, Alain Aspect a ensuite enchaîné avec un autre moment d’échange, en anglais cette fois, en compagnie des chercheurs de l’UMONS. La journée du physicien s’est conclue dans la soirée par une conférence exceptionnelle sur l’intrication quantique.