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Deuxième journée d’étude à l’UMONS sur le vécu émotionnel des policiers: quatre policiers sur 10 affectés par le stress post-traumatique

Publié le 6 juin 2023
Rédigé par DCOM
En moyenne, 40% des policiers francophones en activité souffrent de stress post-traumatique. Ce constat a été présenté le 2 juin lors de la deuxième journée d’étude “Vécu émotionnel auprès des policiers belges”. Un événement organisé par le Service de Psychopathologie Légale de la Faculté de Psychologie et des Sciences de l’Education de l’UMONS.

Les chiffres et données dévoilés lors de cette deuxième journée d’étude organisée le 2 juin 2023 sont pour le moins évocateurs. Voici les principaux éléments à retenir:

  • Près de 15% des participants présentent un trouble de stress aigu, ce qui rejoint les données internationales ;
  • Près de 40 % des participants à l’étude dépassent le seuil diagnostic pour le trouble de stress post-traumatique ;
  • Parmi ceux-ci, les trois quarts présentent des niveaux faibles, mais un quart d’entre eux présentent des niveaux modérés à très élevés impliquant normalement une prise en charge plus intense ;
  • Les événements potentiellement traumatiques les plus identifiés au cours d’une carrière sont généralement en lien avec la mort comme les homicides, les suicides et les accidents mortels de la route ;
  • En revanche, les événements les plus prédictifs du stress pathologique sont ceux qui sont en rapport avec les faits de mœurs envers les mineurs, les coups et blessures, les accidents de la route mortel, les différents familiaux et les événements ayant lieu durant leur vie professionnelle hors interventions (ex. : suicide d’un collègue, harcèlement des collègues, accident de travail mortel ou rébellions) ;
  • Concernant les facteurs protecteurs, il apparait que le plaisir éprouvé au travail (càd la satisfaction de la compassion) et le soutien social sont des éléments essentiels face au stress pathologique ;
  • La comparaison avec un échantillon d’aspirants inspecteurs de police met en évidence que ces derniers ne sont pas en reste. Sur la courte période de leur stage (3 à 6 mois), ils identifient une série d’événements potentiellement traumatiques, moins en lien avec la mort que leur collègue en fonction mais plus en lien avec la violence, particulièrement les fait d’agressions, de coups et blessures, de différends entre voisinage, etc. De plus, ils présentent des niveaux de stress aigu et de stress post-traumatique plus élevé que leurs collègues en fonction, indiquant l’importance de les accompagner leur de leur première exposition au trauma.

Ces conclusions entrent dans le cadre d’un projet de recherche sur le vécu émotionnel des policiers belges. Plus de 200 policiers ont répondu au protocole. Seize zones de police, une académie de police ainsi qu’un service de la Police Judiciaire Fédérale ont collaboré et soutenu le projet.

Dans la salle, une centaine de participants, principalement des chefs de corps, des commissaires, des responsables de service de police locale et fédérale, ainsi que des intervenants psycho-sociaux spécialistes de la prise en charge des policiers ont pu suivre une série de conférences et enrichir leurs connaissances sur cette problématique.

Derrière les recherches entamées depuis 2016, on retrouve le Service de Psychopathologie Légale de la Faculté de Psychologie et des Sciences de l’Education de l’UMONS. Objectif de la manœuvre: contribuer à la compréhension des répercussions du stress sur la santé mentale des policiers belges.

La profession de policier implique une confrontation fréquente à des évènements stressants, voire potentiellement traumatiques. Ces éléments peuvent être relatifs au danger lors d’interventions (violence, port d’une arme à feu, etc.), au stress organisationnel (horaire, urgence, etc.), à la communication entre système judiciaire et grand public (négativisme, pression médiatique, jugement, etc.).

Fruit d’une concertation permanente avec tous les intervenants de terrain, la synergie mise en œuvre au long de ces sept années d’étude démontre le lien nécessaire entre le monde académique et les partenaires de terrain pour faire avancer les connaissances scientifiques.

Au-delà de l’objectif scientifique, le but de ce projet est aussi de contribuer au développement de dispositifs de prise en charge et de formation plus ajustés aux besoins en santé mentale des policiers.

Annie Gendron, Docteure en psychologie, et Andrée-Ann Deschênes, Docteure en psychologique du travail, expliquent leurs recherches aux médias. (photo: Christophe Morel – UMONS)

Parmi les intervenants de cette deuxième journée d’étude, notons la présence d’Annie Gendron et Andrée-Ann Deschênes. Ces deux chercheuses et cotitulaires d’une Chaire de recherche sur la prévention en santé psychologique au travail en sécurité publique ont fait le déplacement depuis le Québec pour pouvoir participer à l’événement avec une conférence intitulée « prendre soin de ceux qui nous protègent: quelles sont les meilleures pratiques de prévention de la santé psychologique au travail en sécurité publique? »

Au cours de leur intervention, Annie Gendron, Docteure en psychologie, et Andrée-Ann Deschênes, Docteure en psychologique du travail, ont présenté les résultats préliminaires du projet RIPTOP visant à déterminer les meilleurs pratiques préventives en matière de soutien psychologique aux policiers. Des informations très utilises puisqu’il est démontré que l’exposition à un événement à teneur potentiellement traumatique dans le cadre des fonctions policiers peut rendre vulnérables les policiers sur le plan de la santé psychologique au travail.

Les recherches d’Annie Gendron et Andrée-Ann Deschênes mettent l’accent sur l’importance de penser les interventions d’aide psychologique chez les policiers de manière primaire (en amont de l’événement), secondaire (pendant et juste après l’événement) et tertiaire (à moyen et long terme après l’événement), ainsi que sur la clarté, l’accessibilité, la rapidité et l’adéquation des aides psychologiques par rapport à la réalité policière. En cohérence avec ces dernières, les résultats du projet belge insistent particulièrement sur le renforcement des facteurs protecteurs tels que le soutien social à l’aide des initiatives relatives au peer-support, et d’intégrer et renforcer dans la formation de base et continue des policiers l’axe relatif à leur santé psychologique au travail.

Ce projet de recherche ne s’arrête pas après cette deuxième journée d’étude. La fin de cette journée d’échange fût l’occasion de présenter les futures perspectives de recherche. D’ores et déjà, une nouvelle étude axée sur les troubles mentaux et l’usage de la force a été entamée dans la foulée de ce premier projet dans le cadre d’une thèse de doctorat réalisée au sein du service. D’autres projets en cours tels que le police bashing, l’identification des facteurs de risque de récidive de violence conjugale lors des interventions policières ou encore la communication entre les services de police et de psychiatrie lors des mises en observation ont clôturé cette journée. Rendez-vous est pris pour une autre journée d’étude.

Rappelons que la Faculté de Psychologie et des Sciences de l’Education vise à la formation des spécialistes dont le but sera de contribuer au développement et au bien-être humain. La FPSE se compose de 10 services d’enseignement et de recherche, d’une Cellule Facultaire de Pédagogie Universitaire (CFPU), de plus de 30 professeurs, 65 doctorants et 1.900 étudiants.