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Une étude ULB-UMONS explique l’influence de la sucrosité du nectar sur la capacité des abeilles à butiner

Publié le 3 mai 2021
Rédigé par Valery Saintghislain
Cette étude vient de paraître dans la revue américaine "PNAS". Les chercheurs se sont penchés sur le mécanisme de capture de fluide chez les abeilles pour montrer qu’il est efficace seulement si le nectar n’est pas trop sucré.

Cette étude originale qui vient d’être publiée dans la revue américaine PNAS (pour « Proceedings of the National Academy of Sciences ») porte sur l’évaluation des abeilles à capter le nectar qu’elles collectent en butinant les fleurs grâce à leur langue équipée de très longues papilles. L’équipe mixte ULB-UMONS est parvenue à mettre en évidence l’importance du degré de sucrosité du nectar dans l’efficacité du processus de butinage.

Figure 1 : Papilles d’une langue d’abeille (Megachile rotundata). Barre d’échelle : 100 µm. (crédits : Agricultural Research Service and F. Brau).

Les abeilles se nourrissent du nectar qu’elles collectent en butinant les fleurs grâce à leur langue décorée de très longues papilles.

Les abeilles sont de paisibles butineuses qui contribuent à la pollinisation des plantes à fleurs lors de leur collecte de nectar. Ce liquide sucré, qui leur procure l’énergie nécessaire pour vivre, est prélevé grâce à leur langue qu’elles y plongent 5 fois par seconde. Plus la teneur en sucre du nectar est élevée, plus son apport énergétique est important.

Pour augmenter leur pouvoir d’attraction des insectes et ainsi leur chance d’être pollinisées, les plantes devraient donc produire le nectar le plus sucré. En réalité, sa concentration en sucre dépasse rarement 60%.

La raison de cette limitation est à chercher du côté du mécanisme de capture lui-même. Des mesures in vivo effectuées en laboratoire montrent en effet, qu’au-delà de cette limite, les abeilles capturent moins de nectar à chaque lapement. Cependant, les raisons de cette baisse d’efficacité de la langue des abeilles n’étaient pas connues.

Emmenés par Fabian Brau de l’ULB (ULB – Faculté des Sciences), Pascal Damman (UMONS – Faculté des Sciences) et  Denis Michez (UMONS – Faculté des Sciences), des chercheurs de l’ULB et de l’UMONS viennent de montrer que la forme des papilles décorant la langue des abeilles détermine la concentration en sucre pour laquelle l’absorption de calories est optimale chez ces insectes.

Publiée dans la revue PNAS, cette étude interdisciplinaire, combinant des expériences in vivo avec un modèle de capture de nectar, a permis de comprendre le rôle essentiel des papilles dans la prise de nectar chez les abeilles.

Parmi les 20.000 espèces d’abeille connues à ce jour, près de la moitié possède une longue langue décorée de papilles très élancées (Figure 1). Pour collecter le nectar, les abeilles y plongent cycliquement leur langue. Des expériences effectuées sous un microscope équipé d’une caméra rapide montrent que lorsque la langue est immergée dans le nectar, les papilles s’ouvrent comme le feraient les poils d’un pinceau. La présence de ces excroissances permet donc d’emprisonner une quantité plus importante de nectar par rapport à une langue qui en serait dépourvue. Ces mêmes expériences montrent cependant que cet atout morphologique ne joue plus aucun rôle lorsque la teneur en sucre du nectar dépasse une valeur critique. En effet, lorsque la concentration en sucre augmente, la viscosité du nectar croît rapidement et empêche les papilles de s’ouvrir complètement avant que la langue se retire du nectar.

A l’aide d’une approche basée sur la mécanique des fluides et l’élasticité des tiges, les auteurs ont réussi à modéliser le mouvement des papilles dans un liquide visqueux. En combinant le modèle théorique obtenu avec des mesures de la morphologie de la langue, ils ont expliqué pourquoi le taux d’ingestion de nectar chez les abeilles chutait brutalement pour des teneurs en sucre supérieures à 60%. Leurs prédictions théoriques ont été confirmées par des mesures in vivo de ces taux d’ingestion effectuées sur plusieurs espèces d’abeille.

De manière étonnante, cette étude montre que la valeur précise de cette concentration limite en sucre est déterminée par le rapport entre la longueur et le diamètre des papilles. Une corrélation entre la morphologie des langues d’abeille et la viscosité du nectar qu’il aurait été difficile de prédire a priori et qui met en évidence un processus de coadaptation des plantes et de leurs pollinisateurs.

Cette recherche a été menée avec le soutien du FNRS – Projet de recherche F.R.S-FNRS « ElastoCap » T.0025.19

Plus d’infos :

Fabian Brau – Unité de chimie physique non linéaire, Faculté des Sciences, ULB – fabian.brau@ulb.ac.be

Pascal Damman – Laboratoire Interfaces & Fluides Complexes, UMONS- pascal.damman@umons.ac.be

Denis Michez – Laboratoire de Zoologie, UMONS – denis.michez@umons.ac.be