Tourguéniev 2021: haute voltige
Initié il y a de nombreuses années par la Bibliothèque Tourgueniev de Moscou, ce rendez-vous prestigieux s’est désormais inscrit dans la modernité puisque son édition 2021 s’est faite en ligne, grâce à la plateforme d’interprétation simultanée à distance Audix-RSI et à l’appui logistique du Département de Russe de l’UMONS et de son Centre Tourgueniev (CITELE). Les participants ont pu bénéficier de l’interprétation simultanée bilingue russe-français de l’ensemble des interventions, consolation bien précieuse en cette crise sanitaire qui nous laisse hélas orphelins de contacts directs. Les organisateurs remercient chaleureusement les interprètes bénévoles, tous étudiants ou diplômés de la FTI-EII.
Articulé autour de plusieurs thématiques passionnantes, le Colloque permit avant tout de souligner à quel point les trois « jubilaires » furent les reflets des valeurs esthétiques de leur siècle, comment ils évoluèrent et contribuèrent à partager leurs passions au bénéfice du plus grand monde, dans les lettres et la musique, mais également aux points d’intersection des arts en général.
Comme l’a montré Mme Olga Gortchanina (CITELE, FTI-EII), une des organisatrices de l’événement, les champs d’investigation scientifique à explorer demeurent larges, en particulier en ce qui concerne l’actualisation de l’héritage de Tourgueniev dans l’espace francophone (rappelons que l’écrivain était, de son vivant, l’auteur russe le plus publié en France). L’Association ATVM (Amis d’Ivan Tourgueniev, Pauline Viardot et Malibran), créée à Paris par Alexandre Zviguilsky, continue elle aussi à se démener pour promouvoir le patrimoine et le site de Bougival qui abrite le Musée Tourguéniev, seul musée dédié à un écrivain russe en Europe. Appel fut lancé à la Russie, bien sûr, mais aussi aux efforts conjugués des partenaires scientifiques internationaux ! Tourguéniviens de tous les pays, unissez-vous !
Nous ne pouvons passer en revue l’ensemble des interventions, toutes plus riches et intéressantes les unes que les autres, notamment sur les questions de traductologie, de comparaison de traductions, du mysticisme ou de la déité chez Flaubert et Tourgéniev, des mises en contexte historique de certaines traductions en Russie et en France, etc.
Plusieurs intervenants commentèrent la créativité concrète du tandem Ivan-Pauline, chacun nourrissant l’autre de ses propres sonorités poétiques et musicales. Pointons ici la remarquable contribution de Nicolas Žekulin (Université de Calgary, Canada), qui présenta avec passion des documents inédits sur les modalités concrètes de cette collaboration linguistico-musicale. Des mises en résonnance avec la langue allemande furent judicieusement proposées par D. Redepenning.
La présence de Pauline Viardot au Musée Tourgueniev à Orel et au Musée littéraire de Moscou fut aussi abondamment illustrée et commentée.
Bref, c’est très certainement un colloque de haute facture qui vient de se tenir simultanément entre quatre continents. Gageons qu’il signe un nouveau démarrage, une impulsion toujours bienvenue dans les recherches touchant l’univers de Tourguéniev, Viardot et Flaubert, mais aussi et surtout qu’il soit le symbole d’une volonté de partage, de rapprochement et d’enrichissement mutuel. A l’image des passeurs de cultures que furent ses jubilaires.
Joelle Coussaert, interprète de conférence, collaboratrice pédagogique à la FIT-EII (UMONS), coordinatrice de l’équipe d’interprètes du colloque : « Mettre en place un service d’interprétation simultanée pour un événement comme celui-ci était un vrai challenge. Nous avons fait un appel à des volontaires parmi nos étudiants et nos jeunes diplômés qui, pour notre grand plaisir, ont été nombreux à proposer leurs services. L’interprétation simultanée de conférence, est un exercice de haute voltige nécessitant un entraînement pointu et des compétences spécifiques ».